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Les nouvelles attributions en matière Législative

 La nouvelle constitution définit le système politique marocain comme étant « une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale » (art 1er). La mention « parlementaire» dans le nouveau texte n’est pas, à notre sens fortuite, elle implique  l’importance et la promotion de l’institution parlementaire  en tant qu’institution représentative dans le nouvel aménagement des pouvoirs publics.     

     Le  nouveau parlement marocain  est régi  par un bicaméralisme inégalitaire qui consacre clairement  la primauté  de la chambre des représentants  par rapport à la chambre des conseillers. Il s’agit en fait d’un retour à la normale après une expérience marquée, sous l’empire de la constitution révisée de 1996, par  l’échec de toutes les tentatives de coordination et d’harmonisation en vue de mettre à niveau  les deux chambres du parlement qui se  sont considérées  comme   étant deux parlements distincts, chacun farouchement  jaloux  de ses prérogatives et de son champ d’action. Si la chambre des représentants n’a pas connu de modifications quant à la durée de son mandat qui demeure fixé à cinq ans, la chambre des conseillers  a subi, par contre,  des modifications notables  touchant aussi bien à  son mandat qui a été réduit à six ans( au lieu de neuf ans fixé auparavant), qu’à sa composition qui a connu une double innovation,  d’une part, une limitation et une réduction significative de son effectif (entre 90 au minimum et 120 membres au maximum selon les termes de l’article 63 de la constitution), et d’autre part, l’introduction  de la région en tant qu’entité territoriale au sein de trois cinquièmes selon l’article 63). 

      Le parlement marocain siège annuellement pendant deux sessions, celle d’automne et celle du printemps, présidés par le Roi. Les parlementaires vont cependant  travailler plus puisque les sessions, sans être refondues en une seule et unique session, ont été prolongées d’un mois. Chaque session comprend, en effet, au moins quatre mois au lieu de trois mois dans l’ancien système parlementaire. De surcroit,  le régime des sessions extraordinaires,  ce « droit de la minorité », a été plus assoupli notamment pour la chambre élue au suffrage universel direct. En effet, les sessions extraordinaires peuvent être convoquées soit par décret, soit à la demande  désormais du tiers des membres de la chambre des représentants et non plus, comme dans l’ancienne charte, à la majorité de ses membres, ce qui donnera plus d’opportunités  à l’opposition de prendre l’initiative de les provoquer. 

       Sans nous étendre sur les multiples apports de la nouvelle constitution en matière parlementaire, deux idées force semblent prédéterminer le nouveau parlement marocain. D’une part une volonté affichée de la part du constituant de moraliser la vie de l’hémicycle en éradiquant un certain nombre de pratiques parlementaires douteuses  et d’autre part une nette revalorisation du statut de l’opposition.

        S’agissant du premier point, on le découvre notamment à travers la constitutionnalisation  de la prohibition de la transhumance politique. 

        En effet, le nomadisme parlementaire a connu ces dernières années un développement inégal en donnant un coup sévère à l’action politique et en ternissant à la fois l’mage du Parlement et celle du député. D’autant plus que l’unique  loi sur les partis politiques de 2006,  qui a  établi  un lien   indissociable   entre le député élu  et le parti qui l’a cautionné, n’a ni  enrayé  ni atténué ce phénomène qui, bien au contraire, s’est amplifié depuis 2009 de manière démesurée en « fragilisant les équilibres et les contrepoids nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie et en cultivant  et entretenant  l’immoralité ». 

        Le fameux article 5 de la loi sur les partis politiques qui interdit la transhumanceentre les groupes parlementaires a donné lieu à des controverses juridico-politiques  qui  ont appauvri   en définitive sa   substance et sa raison  d’être.  

La nouvelle constitution a apporté dans son article 61  une solution adéquate aussi bien au phénomène du nomadisme politique que parlementaire  en sanctionnant cette mobilité « suspecte »  et en attribuant en définitive le siège de la circonscription, comme  c’est le cas dans plusieurs pays, à l’électeur. Cette nouvelle  disposition constitutionnelle, qui réduit largement la marge à des interprétations permissives du phénomène du nomadisme parlementaire va certainement réhabiliter et le rôle du travail parlementaire au sein des groupes parlementaires  et le rôle des partis politiques  dans l’encadrement des citoyens et des députés au sein du Parlement. 

Cet aspect de la moralisation de la vie parlementaire avec d’autres aspects notamment les sanctions effectives à l’encontre de   l’absentéisme parlementaire et l’encadrement strictement légale  de l’immunité parlementaire sont susceptibles de  donner plus de crédibilité à l’image de l’hémicycle et plus d’efficacité à l’action des députés.  

S’agissant du second point, la nouvelle constitution a octroyé pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle marocaine  un statut privilégié  à l’opposition en énumérant une dizaine de droits lui permettant  «  de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique ». 

        Cet important apport de la constitution  concernant le nouveau statut de l’opposition dans le processus du travail parlementaire sera  traité et mis en valeur respectivement dans le cadre de la procédure législative et les moyens de contrôle exercés par le parlement sur le gouvernement.  


LE DOMAINE DE LA LOI : UN DOMAINE ELARGI

     Inspiré de la tradition française de la Vème République, le domaine de la loi a été  soumis pendant longtemps, sous le régime des différentes constitutions marocaines,  au carcan d’une rationalisation excessive. Bien que les frontières entre les domaines de la loi et du règlement soient, en principe, fluctuantes  et dépendent de la nature des rapports entre le gouvernement et le parlement et du contexte politique général,  force est de constater qu’au Maroc  le parlement, dont le domaine de la loi a  toujours été  réduit à quelques matières limitées , a tenu un rôle secondaire au point de devenir «législateur d’exception » par rapport au pouvoir réglementaire qui s’est érigé en « législateur de droit commun ». A cela, il faut ajouter  qu’à la différence de l’attitude bienveillante du Conseil Constitutionnel français à l’égard du législateur, au Maroc, la juridiction constitutionnelle n’a pas  innové en la matière et a toujours  adopté une attitude qui donne un sens restrictif à l’intervention du législateur. Ce qui a conduit à faire du règlement la norme ordinaire  et de la loi la norme d’exception. 

       Les revendications incessantes de l’opposition par le biais des mémorandums adressés au Roi avant les révisions constitutionnelles de 1992 et de 1996 dans le but de remédier à cette situation  en proposant d’élargir le domaine de la loi  à des matières telles que l’amnistie,l’approbation des traités internationaux, le statut personnel , la nationalité et la situation des étrangers, le régime des banques, des douanes et des assurances etc..n’ont pas été prises en considération. Il a fallu donc attendre la constitution de 2011 pour que se produise une véritable révolution juridique qui va élargir  le domaine de la loi   et rehausser le prestige de la loi.


L’extension du domaine de la loi : Une véritable  révolution juridique

       La constitution marocaine de  2O11, à l’instar des constitutions précédentes  donne à la loi  dans ses articles 70 et 71 une définition mixte. La loi est ainsi définie de manière formelle ou organique en disposant que « Le parlement exerce le pouvoir législatif. Il vote les lois…» (art. 70 aliéna 1et2), ce qui veut dire que la loi est définie par son auteur. C’est un acte voté par le parlement et promulgué par le Roi (art.50). En outre, l’article 71 se réfère à une définition matérielle  de la loi, puisqu’il délimite la part principale et irréductible du domaine législatif. 

 La constitution  a énuméré de manière  « un peu hétéroclite » les matières de ce noyau dur réservé à la compétence du parlement en lui attribuant la régulation des matières les plus importantes. Les matières nouvelles portent sur des domaines aussi divers que variés notamment les garanties fondamentales des libertés et des droits fondamentaux , le statut de la famille et l’état civil , l’amnistie,  la nationalité et la condition des étrangers, le régime des médias audio-visuels et de la presse sous toutes ses formes, le régime de la technologie de l’information et de la communication, l’urbanisme et l’aménagement du territoire,  le régime pénitentiaire, le régime  fiscal,  l’émission de la monnaie et le régime  douanier, celui des banques, des assurances et des mutuelles, les principes fondamentaux en matière de santé, d’enseignement, de gestion de l’environnement, de  protection des ressources naturelles et du développement durable , le découpage électoral, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, le régime des eaux et forets et de la pêche,  ,le régime des transports, les relations du travail de la sécurité sociale, les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 Le dernier aliéna de l’article 71 habilite la chambre des représentants à voter en plus des lois- cadres concernant les objectifs fondamentaux de l’action économique, sociale et culturelle mentionnées dans l’ancien texte, les lois- cadres relatives à l’action de l’Etat dans le domaine environnemental.                   

     Cet article 71 qui constitue le noyau initial et principal du domaine législatif appelle deux remarques essentielles :

     -Le domaine réservé de la loi a vu ses matières triplées par rapport  à la constitution révisée de 1996. Ainsi, si l’on analyse l’historique du domaine de la loi au Maroc, on s’aperçoit que ses matières ont été  circonscrites  au nombre de quatre  sous les constitutions de 1962 et 1970, puis délimitées  au nombre de onze sous la constitution de 1972 révisée en 1992 et 1996 pour  atteindre  le nombre de 31 matières sous la nouvelle constitution de 2011.   

-Le parlement, on le voit, est compétent pour les domaines  essentiels régissant la société marocaine aussi bien civil, politique qu’économique, social et environnemental. Le domaine de la loi n’est plus  général, il est centré autour des matières importantes .Le pouvoir législatif reconquiert ainsi sa primauté sur le pouvoir exécutif dans la compétence d’édicter les normes au point de remettre en cause l’ancienne répartition dans les constitutions antérieures entre le domaine de la loi et le domaine du règlement. La nouvelle constitution   consacre ainsi, la promotion de la loi  d’où  l’apparition d’un nouveau rapport entre loi et règlement  et la résurgence de nouvelles problématiques.  

     Il convient de signaler par ailleurs que l’article 71 de la constitution n’est nullement  exclusif, même s’il est le plus important, et que d’autres dispositions constitutionnelles font état des matières attribuées au législateur.


2 -Les autres nouvelles matières attribuées au législateur

     Il existe dans la constitution de 2011  plus d’une trentaine  d’articles qui sont attribués au législateur. En plus des lois de finances de l’année(art.75) dont le vote est confié au Parlement ,la constitution affecte au domaine législatif   plusieurs nouvelles matières touchant des domaines variés tels que  la constitution des organisations syndicales et leur financement( art. 28),la liberté de concurrence, l’accès aux médias publics , l’observation indépendante et neutre des élections  (art.11), la participation des marocains résidents à l’étranger à la vie politique et aux institutions consultatives et de bonne gouvernance (art 17et 18),le droit à la vie (art 20), l’interdiction de la torture (art. 22), les droits des personnes détenues (art.23), la proscription du génocide et tous autres crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systématiques des droits de l’Homme (art. 24), le droit à l’information(art.27), le droit d’exprimer et de diffuser librement les informations, les idées et des opinions ainsi que les règles d’organisation et de contrôle des moyens public de communication,(art.28), les libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d’association(art. 29) , l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives (art. 30), la protection de la famille (art.32),  l’approbation des traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à la délimitation des frontières, les traités de commerce ou ceux engageant les finances de l’Etat (art.55), la responsabilité pénale des ministres(art. 94), la garantie de l’indépendance des magistrats(art.109),les instances de bonne gouvernance, (art 158 et 159), les instances de protection et de promotion des droits de l’Homme     (articles de 161 à 171) ...        

     Par ailleurs, l’aliéna 2  de l’article 55 de la nouvelle constitution qui a remodelé  le même aliéna de l’ancien article 31  relatif à « l’approbation préalable des traités engageant les finances de l’Etat »  en relation avec le préambule, qui pose le fameux  rapport  très controversé du traité international et la loi nationale  a été mieux éclairci dans le sens d’une meilleure harmonisation entre l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international.   

      A cela s’ajoutent les cas de renvoi opérés par la constitution  aux lois organiques qui sont  source à part et très protégées de la compétence du parlement. Ces lois organiques ont vu leur nombre plus que doublé, elles sont passées de 9 dans la constitution révisée de 1996 à  20 dans la nouvelle charte. Les nouveaux  articles relatifs aux lois organiques concernent  notamment le processus de mise en œuvre du caractère officiel de la langue Amazighe et le Conseil national des langues et de la culture marocaine ( art 5), la constitution des partis politiques et leur financement (art.7),les droits de l’opposition parlementaire (art.12),les motions des citoyens en matière législative (art.14) les pétitions présentées par les citoyens aux pouvoirs publics(art.15), l’organisation des travaux du gouvernement et le statut de ses membres (art.87), le statut des magistrats (art.112), le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire(art.116), l’exception d’inconstitutionnalité(art.113), la gestion démocratique des collectivités locales(art.146). Ces lois organiques sont obligatoirement  examinées par la Cour Constitutionnelle qui statue sur leur constitutionnalité.

     Deux idées principales ressortent de l’examen de cette extension importante « du domaine des lois organiques » :

     -Tout d’abord Il convient de remarquer que la nouvelle constitution de 2011 renvoie en ce qui concerne l’organisation et les modalités du fonctionnement d’une dizaine  d’institutions constitutionnelles à une loi ordinaire et non à une loi organique. Cette tendance amorcée déjà dans la constitution révisée de 1996  avec la  création de la Cour des comptes et des cours régionales de compte par une simple loi ordinaire a été accentuée avec plus de force dans  la nouvelle constitution qui s’est référée,  en ce qui concerne les instances de protection et de promotion des droits de l’Homme et les instances de promotion du développement humain et durable et de la démocratie participative (articles de 161à171), à une loi ordinaire et non à une loi organique. 

      - En deuxième lieu,  le statut des magistrats qui a été un domaine réservé au législateur dit « ordinaire » dans les constitutions révisées de 1992  et de 1996 a été attribué au «législateur organique» dans la nouvelle mouture constitutionnelle. Ce qui revalorise sa situation juridique et la protège mieux de l’influence de l’exécutif notamment avec la promotion de l’organe judiciaire en un véritable « pouvoir» et la préservation de son indépendance. 

       Par ailleurs, une autre innovation  non moins importante a trait aux finances de l’Etat. En effet, la nouvelle constitution dans son article 77 assigne et au  Parlement et au gouvernement  la tache de veiller à la préservation de l’équilibre des finances de L’Etat. Ce qui consolide davantage la collaboration entre les deux pouvoirs.   

        Ainsi, il apparait que le champ ouvert  au Parlement dans le nouveau texte est considérable. L’énumération des matières de l’article71 et le renvoi à d’autres articles qui relèvent également du domaine de la loi sont si larges et surtout si extensives que le Parlement peut tout réclamer de sa compétence et aucun domaine ne lui est désormais  interdit.Les autres matières autres que celles du domaine de la loi relèvent du domaine réglementaire, selon l’article 72 de la constitution. En fait, le règlement sert à la mise en œuvre des règles édictées par la loi.


B- Les exceptions à l’exercice de la fonction législative par le Parlement

         La fonction législative constitue la fonction principale du Parlement, toutefois, elle n’est pas  sa fonction exclusive et ce conformément à la logique du régime parlementaire fondée sur la collaboration entre les pouvoirs. Le Parlement partage cette fonction avec le gouvernement en période ordinaire et le Chef de l’Etat en période exceptionnelle.

La législation déléguée en période ordinaire

          Elle renferme deux techniques classiques du «parlementarisme rationnalisé», en période ordinaire, qui ont été invariables  au sein de toutes les constitutions marocaines à savoir les habilitations législatives et la législation par décrets- lois.

Les habilitations législatives.

          La délégation législative est régie par l’article 70. Le Parlement peut, en effet, décider de confier au gouvernement le soin de prendre par voie réglementaire (décrets- lois) des décisions qui sont normalement de nature législative. En votant une loi d’habilitation- ou de pleins pouvoirs- le parlement délègue en fait le pouvoir législatif au gouvernement. Cette délégation n’est pas toutefois un blanc-seing que le parlement accorde volontiers au gouvernement. Elle est soumise à certaines conditions destinées à encadrer strictement les pouvoirs que le gouvernement détient en vertu de  l’article 10 de la constitution et empêcher tout empiétement sur le pouvoir législatif. Cette délégation est en premier lieu limitée dans le temps (le  délai est  fixé par la loi d’habilitation) pour que la délégation ne corresponde pas à un abandon du pouvoir législatif au profit du gouvernement. En second lieu,  le domaine de la délégation  est  précisé, c’est-à-dire que le gouvernement doit définir non seulement la finalité des mesures à prendre mais aussi leur domaine d’intervention en vue d’un objectif, de sorte à éviter que le gouvernement étende le champ d’application de la procédure d’habilitation au détriment du respect des compétences du Parlement. En troisième lieu, cette habilitation doit porter  sur des matières législatives énumérée  par l’article 71 et également sur toutes les autres matières législatives figurant dans d’autres dispositions constitutionnelles. Enfin, le parlement conserve son pouvoir de contrôle en ce sens que ces décrets-lois, tout en entrant en vigueur, doivent être soumis  dans un délai fixé par la  même loi d’habilitation à la ratification du Parlement.    

Au surplus, en cas de la dissolution des deux chambres du Parlement ou de l’une d’entre elles, la loi d’habilitation devient caduque. Il est à remarquer qu’  en démocratie, tout organe exerce ses fonctions par délégation du peuple et ne doit pas les déléguer à un autre organe.

Le recours à la loi d’habilitation est peu fréquent au Maroc. Cette technique a été mise en œuvre en vertu de l’article 45 de la constitution de 1972, notamment  lors de la session d’octobre 1989, à propos du « transfert d’entreprises du secteur public au secteur privé », en donnant lieu à une controverse juridico- politique entre le gouvernement et l’opposition qui a été tranchée par l’arbitrage royal en faveur de cette dernière.      

b- La législation par décrets- lois

            La seconde technique est celle  de la législation des décrets-lois mentionnée par l’article 81 de la nouvelle constitution. Elle  suppose la réunion de trois conditions  destinées essentiellement à réduire les manœuvres  du pouvoir réglementaire et à mieux protéger les prérogatives du Parlement. Primo, le gouvernement doit prendre les décrets-lois dans l’intervalle des sessions c'est-à-dire  pendant le temps  intermittent  ou le Parlement est en fonction, sans pour autant  se réunir en plénière bien qu’il puisse être convoqué en session extraordinaire. Secundo,  il faut l’accord des commissions concernées des deux chambres. Enfin, les décrets-lois   doivent être soumis à la ratification du même Parlement au cours de la session ordinaire suivante. C’est une technique  qui a été peu utilisée.  On peut citer à titre d’exemple le  décret-loi du 8 Octobre 1980 sur les loyers et le décret-loi sur les paraboles du 13 Octobre 1992. 

        Il convient de souligner que la nouvelle écriture de l’article 81 concernant les décrets- lois a été plus simplifiée au regard de l’article 55 de l’ancien texte dans le cadre du bicaméralisme quasi- égalitaire,  en faisant  l’économie des tractations interminables au sein des commissions et de la commission paritaire en vue de  parvenir à un accord commun entre les deux chambres. Dans le nouveau texte, si les commissions des deux  chambres ne parviennent pas à un accord au bout de six jours,  la décision revient en dernière instance à la commission de la seule chambre des représentants. 

         Par ailleurs,  il est important de signaler dans ce cadre que l’ancien article 68 relatif à la loi référendaire qui autorise le Roi, après une nouvelle lecture,  « à soumettre au référendum tout projet ou proposition de loi,  hormis le cas (où le texte en question)   aurait été adopté ou rejeté par chacune des deux chambres à la majorité des deux tiers des membres la composant » a été mis à l’écart par la nouvelle constitution. Bien que cette disposition n’ait jamais été utilisée, il est clair que le nouvel    article 95 qui se limite à autoriser au Roi  à demander par message une nouvelle lecture sans que celle- ci   ne lui soit refusée, accentue le rôle d’arbitre du Roi en ne lui  permettant plus d’exercer « un véto législatif suspensif et temporaire »  comme jadis dans les constitutions antérieures.

  La législation en périodes exceptionnelles   

                Il s’agit d’examiner d’une part, la nouvelle écriture de l’article 59 relatif à l’état d’exception  et d’autre part, les refontes apportées aussi bien au régime lié à la dissolution discrétionnaire qu’à celui de l’ancien article 19  façonné de manière à s’accorder  avec les exigences de l’Etat de droit. 

La législation en période de crise

        L’article  59 (ancien article 35) confie au  Chef de l’Etat des pouvoirs exceptionnels en cas d’événements intérieurs ou extérieurs susceptibles de constituer une menace  grave  pour la stabilité du pays ou pour le fonctionnement régulier de ses institutions constitutionnelles. Dés la mise en œuvre de cet  article, le Roi prend, après avoir consulté le Chef du gouvernement, les deux Présidents des chambres du Parlement et le Président de la Cour constitutionnelle, toutes les décisions susceptibles de rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs publics sans se soucier de la répartition constitutionnelle des compétences. Les mesures prises en vertu de l’article 59 peuvent être de nature législative. Cet article confère au chef de l’Etat la plénitude des pouvoirs législatif et réglementaire sans le moindre contrôle. En réalité, cet article institue une concentration légale et temporaire de pouvoirs qui débouche sur une confusion des pouvoirs  empêchant toute  distinction entre actes  réglementaires et actes législatifs au sein des mesures  que le Roi prend en période de crise. Quel que soit la nature juridique de ces mesures prises conformément à  l’article 59, il reste qu’elles peuvent  être de nature législative.  

Il faut reconnaitre toutefois que le nouvel article 59 propre aux pouvoirs de crise conférés au chef de l’Etat, , est beaucoup plus précis  et plus respectueux des exigences de l’Etat de droit, même si certains problèmes n’ont pas été réglés par la nouvelle rédaction. 

        Il convient de noter tout d’abord que la formulation «  et à conduire les affaires de l’Etat »  ajoutée à l’ancien article 35 qui dispose que le Roi  est habilité « à prendre les mesures qu’imposent la défense de l’intégrité territoriale et le retour au fonctionnement des institutions constitutionnelles » n’a plus de trace dans la nouvelle écriture de l’article 59 relatif aux pouvoirs de crise. Cette formulation qui a été  insérée  à l’ancien article 35   dans le but  d’élargir les attributions du Roi, à la suite de  l’état d’exception qui a régi le pays entre 1965 et 1970, notamment dans les constitutions 1970 et 1972 et les constitutions révisées de 1992 et 1996,  n’a plus d’existence dans le nouveau texte. 

Certes, le Roi demeure seul juge du temps estimé par lui indispensable pour le rétablissement de la situation normale,  néanmoins l’indication donnée par le premier aliéna «  dans le moindre délai » constitue,  à notre sens, une contrainte importante car elle est susceptible de limiter le pouvoir discrétionnaire d’appréciation du chef de l’Etat en temps de crise dans la mesure ou les décisions prises par lui doivent se borner au strict nécessaire  et être inspirées par la seule volonté de rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs constitutionnels dans les plus brefs délais. Dans tous les cas, l’application de l’article 59 devrait cesser dès que les pouvoirs   constitutionnels  sont en  bonne mesure d’affronter eux-mêmes la situation générée par l’état d’exception.             

Par ailleurs, si la formulation qui dispose  que l’état d’exception n’entraine pas  la dissolution du parlement, stipulation qui a été introduite depuis la révision constitutionnelle de 1992 , n’a pas été modifiée,  il convient, cependant, de  noter que le nouvel article 59 relatif  à l’état d’exception a été réécrit de manière  à éviter le règne de l’arbitraire qui pourrait menacer les libertés individuelles et collectives des citoyens en période de crise  en stipulant que : « Les libertés et droits fondamentaux prévus par la présente constitution demeurent garantis ». L’Etat doit se conformer, même en période de crise, aux normes internationales protégeant les droits de l’Homme.      

Certes, cet article a  été  incontestablement  mieux aménagé  dans la nouvelle mouture constitutionnelle en comparaison avec l’ancien texte, toutefois, force est de constater qu’il n’a pas réglé le sort  réservé au Parlement pendant l’état d’exception qui demeure, comme dans l’ancien texte,  dans une situation floue et ambigüe. Si le Parlement ne se réunit pas de plein droit comme c’est le cas en France, peut-il pour autant siéger obligatoirement ? Peut- il légiférer ? Ou bien  est-il complètement marginalisé et mis en veilleuse pendant toute la période exceptionnelle de l’état d’exception?Autant de questions qui demeurent dans l’ombre sans réponse ou début de réponse. S’il n’est pas question , dans notre intention,  de remettre en cause l’existence de  telles dispositions  de crise à un moment ou des menaces potentielles  pèsent encore sur le territoire et la sécurité nationale de manière générale à l’ère du terrorisme mondialisé, n’est-il    pas plus cohérent avec l’esprit du  nouveau texte constitutionnel qui revalorise l’institution parlementaire de conférer à celle-ci un pouvoir de contrôle à postériori notamment  la possibilité de saisir la  Cour Constitutionnelle pour vérifier après un délai raisonnable si les conditions de la mise en œuvre de l’article  59  sont toujours réunies ? Ou bien n’est-il pas plus cohérent de  réunir dans un même article  toutes  les dispositions exceptionnelles de l’état de siège et de l’état d’exception mentionné dans l’article 74 avec l’obligation de la ratification de leur prorogation  autorisée par le Parlement ?   


La refonte des autres pouvoirs en périodes exceptionnelles

        De l’examen du texte constitutionnel présent et des textes constitutionnels antérieurs, il apparait que deux articles ont été complètement remaniés de manière à s’accorder avec les exigences de l’Etat moderne plus soucieux d’un équilibre harmonieux entre les pouvoirs constitutionnels. 

          En premier lieu, il s’agit de  l’abrogation pure et simple du régime lié à la dissolution discrétionnaire. Dans la formulation initiale de l’article 77 de la constitution de 1962, le Roi« peut, après avoir consulté le président de la Chambre constitutionnelle et adressé un message à la Nation, dissoudre par décret royal la Chambre des représentants». L’on sait que les attributions du Roi, à la suite de l’état d’exception et particulièrement  sous le régime des constitutions de 1970, de 1972 et des constitutions révisées de 1992 et 1996, ont été élargies en y ajoutant : « Le Roi exerce entre-temps, outre les pouvoirs qui lui sont reconnus par la présente constitution, ceux dévolus au Parlement en matière législative». Cette disposition a été abrogée, ce qui laisse en principe au gouvernement la plénitude des pouvoirs pendant la vacance du pouvoir parlementaire. Il convient de souligner dans le même ordre d’idées que le délai imparti pour organiser de nouvelles élections après la dissolution de l’une des chambres ou les deux chambres du Parlement a été  réduit à deux mois dans la nouvelle écriture constitutionnelle, au lieu de trois mois dans l’ancien texte, sans pour autant atteindre le délai fixé par la première constitution de 1962  ou l’élection de la nouvelle Chambre intervient seulement après vingt joursaprès l’acte de dissolution.

      Sous le régime de la nouvelle constitution, la dissolution  est à la fois royale et ministérielle. Royale parce que le droit de dissolution demeure un droit  personnel et discrétionnaire du Chef de l’Etat. Elle est personnelle car elle est dispensée logiquement  du contreseing. Discrétionnaire car elle peut être exercée dans des circonstances et pour des motifs dont le Chef de L’Etat est seul juge.  La dissolution est ministérielle, parce que   le Chef du gouvernement  peut à son tour, selon l’article 104 de la constitution, dissoudre la Chambre des Représentants par décret pris en Conseil  des ministres après avoir consulté le Roi, le président de cette chambre et le président de la Cour constitutionnelle. Cette double dissolution, bien qu’elle soit apparemment hybride dans la mesure ou elle est sous-tendue simultanément  par deux logiques quasi contradictoires, une logique du parlementarisme dualiste qui a fait son temps et une  logique du parlementarisme moniste qui est devenue la règle  régissant les régimes parlementaires contemporains, a tendance à renforcer le rôle d’arbitrage du Roi, qui se place au dessus des contingences et des mêlées politiques, et à accentuer davantage le caractère parlementaire du régime.    

        Ainsi, le chef d’état peut en user  comme un moyen d’arbitrage en recourant au peuple en cas de litiges entre les pouvoirs publics constitutionnels ou en cas de blocage des institutions ou  comme une arme pour sortir d’une crise plus sociale qu’institutionnelle. Quant au  Chef du gouvernement, il peut recourir à l’arme de la dissolution, en contrepartie de la responsabilité politique du gouvernement comme dans tous les régimes parlementaires, pour provoquer des élections législatives anticipées  à un moment qu’il estime favorable à son parti et à la coalition qu’il dirige ou en cas de crise profonde provoquée par l’extrême  fragilité de sa coalition .   

  Une utilisation abusive de l’arme de la dissolution est cependant écartée par les dispositions de l’article 98 qui  interdisent  de mettre fin aux fonctions de  la   chambre nouvellement élue pendant une période d’un an à compter de son élection, sauf dans le cas ou il ya réellement  impossibilité de dégager une majorité gouvernementale au sein de la Chambre des Représentants, nouvellement élue et donc impossibilité de gouverner le pays. 

   En second lieu, il convient d’observer  la refonte du fameux article 19  et sa répartition en deux articles séparés. A remarquer que cet article  qui a fait  couler beaucoup d’encrea été mis en œuvre une seule fois dans la vie constitutionnelle marocaine entre 1983 et 1984 lors de la  phase de transition de cumul des pouvoirs législatif et exécutif. Cet article, tout en  changeant de rang dans le  nouveau dispositif constitutionnel, ce qui est révélateur aussi  d’un changement d’approche dans sa nouvelle conception, a été réparti  en deux articles séparés. L’article 41 attribue au Roi, Amir Al Mouminine une prérogative purement religieuse qui consiste à veiller au respect de l’Islam et à garantir le libre exercice des cultes. A cet effet, il préside le Conseil supérieur des Oulémas. Quant à l’article 42, il confie au Roi des compétences similaires à celles d’un chef d’Etat dans les régimes parlementaires. Ainsi il est le Représentant Suprême de l’Etat et non pas de la Nation comme cela a été le cas depuis la parenthèse constitutionnelle  de 1970 qui a établi une nette hiérarchie dans la représentation entre le Roi et les députés. L’article 42 détermine  avec précision les  pouvoirs   que le Roi exerce en fonction des valeurs et principes et d’objectifs bien définis.   Il est «Symbole de l’unité de la Nation. Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre Suprême entre ses institutions ».Il est gardien de la constitution et des libertés, protecteur du choix démocratique du pays et garant de ses engagements internationaux.    

Cette séparation des deux sphères   religieuse et  politique traduit, à notre sens, la volonté du constituant de rompre avec cette confusion des pouvoirs  substratum  de  l’ancien article 19 qui a fait l’objet de tous les exégètes possibles  jusqu’à assimiler  parfois son utilisation à un état quasi arbitraire dépendant du seul bon vouloir du Chef de l’Etat. Certes, celui-ci exerce aussi bien sa fonction religieuse et sa fonction politique mais il s’agit de deux registres différents que la nouvelle constitution s’est efforcée d’en tracer subtilement  l’objet mais aussi les contours et les limites.  

C- LA PROCEDURE LEGISLATIVE

          On mettra l’accent essentiellement sur les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à la procédure législative qui passe par plusieurs étapes successives : l’initiative des lois, l’examen en commission, la fixation de l’ordre du jour et enfin le débat législatif, sans oublier pour autant les nouveaux droits de l’opposition dans ce processus de travail parlementaire dont l’exercice  va  être mieux défini aussi bien par les lois organiques , les lois et les règlements intérieurs des deux chambres. .

L’initiative des lois

     Elle appartient concurremment au Chef du Gouvernement  et aux parlementaires (art.78). Toutefois,  les projets de loi ne peuvent plus être déposés indifféremment sur le bureau de l’une des chambres du parlement comme c’était le cas dans le texte constitutionnel antérieur, la nouvelle constitution a mis de l’ordre en  soulignant que tous les projets de loi  notamment la loi de finances sont déposés en priorité devant la chambre des représentants(articles 75 et 78)  à l’exception, toutefois, des projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales qui sont déposés en priorité sur le bureau de la chambre des conseillers  (art.78). En somme, une large majorité des projets de lois est d’abord examinée  par la chambre des représentants. Quant aux propositions de lois, elles sont évidemment déposées sur le bureau de la chambre à laquelle appartiennent les auteurs. 

     Le droit d’initiative parlementaire est cependant doublement limité.  D’abord, il demeure limité en matière financière par la fameuse disposition « garde fou »  inchangée dans toutes les constitutions marocaines qui interdit aux parlementaires de déposer des propositions de loi dont l’adoption aurait pour conséquence , soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique(art.77).D’autre part, il se trouve limité   par la possibilité accordée au gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à une proposition ou un amendement qui n’est pas du domaine de la loi. En cas de désaccord, la cour constitutionnelle dispose de huit jours pour statuer à la demande du Président de l’une des chambres ou du chef du gouvernement (art.79). 

L’examen en commission et l’inscription  à l’ordre du jour

     Si la tendance des différentes constitutions marocaines a consisté, dans un souci de rationalisation, à encadrer strictement le fonctionnement des commissions qui sont chargées d’étudier les textes de loi et de proposer  des amendements avant leur discussion en séance et à préserver coute que coute  la fixation de l’ordre du jour entre les seules mains du gouvernement, la nouvelle constitution  en a apporté quelques assouplissements importants. 

 a -L’examen en commission  

Les commissions constituent l’antichambre  où   se confectionne le travail parlementaire avant d’être soumis à la plénière. Elles informent, rapportent et proposent pour aider à la prise de décision qui revient en dernière instance à l’assemblée. Elles constituent également  «un passage obligé» dans la mesure ou aucun projet ou proposition de loi ou éventuellement un amendement ne peut faire l’objet d’une  discussion ou d’un vote s’il n’a pas été préalablement soumis à l’examen d’une commission compétente dont le travail se poursuit entre les sessions (art 80 et 83).  

                Toutefois, le nouveau texte innove en la matière par rapport à l’ancien texte puisqu’il permet à la Chambre saisie du texte en discussion de s’opposer à la majorité de ses membres à la procédure du gouvernement consistant à demander à la dite chambre de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui (art.83 aliéna2). Cette possibilité donnée aux deux chambres de s’opposer à la procédure gouvernementale équilibre davantage les rapports entre le parlement et le gouvernement.    

Par ailleurs, chaque commission constitue son bureau et désigne son président en respectant la règle de la représentation proportionnelle des groupes parlementaires (art 62 et 63), règle invariable qui a été instituée dans toutes les constitutions marocaines pour faire participer l’opposition au travail parlementaire.

  Ce qui est nouveau dans ce cadre, c’est  l’article 10 de la nouvelle constitution qui renforce davantage la participation de l’opposition au sein des commissions parlementaires, en  attribuant la présidence de la commission en charge de la législation à  la chambre des représentants et éventuellement une autre commission ainsi qu’une ou deux commissions au sein de la Chambre des Conseillers à l’opposition (art 10 et 69). Ce qui traduit sans ambages la volonté du constituant de faire associer largement au travail parlementaire l’opposition dont on a toujours critiqué son rôle de simple figurant sous les législatures antérieures. 

Dans le même ordre d’idées, le constituant a cru bon,  à fin de moraliser la vie parlementaire et de remédier au phénomène de l’absentéisme des députés qui a pris des proportions incommensurables et dangereuses pour la sécurité juridique, de mentionner dans son article 10 la nécessité pour les règlements intérieurs des deux chambres du Parlement de fixer  les sanctions applicables aux  députés absents dans les travaux des commissions et des séances plénières.                     

Certes, cette stipulation, il faut bien l’avouer, a déjà  meublé le dispositif des règlements intérieurs des deux chambres sans qu’elle   soit   aucunement  mise en application, mais le fait que la constitution l’intègre  pour la première fois dans son dispositif    porte en lui-même une signification importante destinée,  à notre sens, à contraindre l’hémicycle à mettre effectivement  en œuvre des sanctions à l’encontre des parlementaires récalcitrants qui n’ont plus par ailleurs, comme on l’a déjà signalé, « le droit à la transhumance ».

         Après réception du texte de loi, il est procédé au sein de la commission à la désignation d’un rapporteur   qui a pour tache de présenter devant le parlement en séance plénière un résumé sur  les travaux de la commission. Le renvoi du texte constitue le temps fort de la discussion. Enfin, la commission vote les conclusions auxquelles son rapporteur est parvenu après avoir auditionné le ministre concerné et les hauts responsables des administrations. Sur cette question, la nouvelle constitution  a  tenu à mentionner clairement dans son article 102  une question déjà soulevée par le Conseil Constitutionnel marocain en disposant que les commissions au sein des deux chambres  peuvent auditionner les responsables des  administrations et des établissements et entreprises publiques à condition qu’ils soient  en présence et sous la responsabilité  des ministres concernés. 

b- La fixation de l’ordre du jour

          L’examen public des textes et des projets ou propositions nécessite leur inscription à l’ordre du jour qui est la liste des sujets classés selon leur  degré d’importance que les chambres doivent aborder dans une séance. L’ordre du jour est  établi par le bureau et plus précisément par la conférence des Présidents de chaque chambre concernée mais il comporte, par priorité les projets du gouvernement et les propositions de loi  acceptées par lui. 

         L’article 82 (aliéna 2) de la constitution, dans le souci de faire associer l’opposition au travail parlementaire en vertu de l’article10, a  introduit une nouveauté importante susceptible d’assouplir la maitrise de la fixation du  jour qui a été toujours, dans toutes les constitutions antérieures, du seul ressort du gouvernement  en réservant une journée par mois à l’examen des  propositions de loi dont celles de l’opposition, ce qui va certainement impulser une nouvelle dynamique  au travail parlementaire en incitant l’opposition à proposer davantage de lois dans tous les domaines de la vie sociétale. 

Le débat législatif et le vote.

         La discussion en séance plénière se déroule  en  priorité devant la chambre des représentants à l’exception toutefois, comme on l’a signalé plus haut, des projets ou des propositions de lois qui concernent les collectivités locales , le développement régional et les affaires sociales qui  font l’objet de discussion  en priorité devant la seconde chambre. La discussion s‘engage par l’audition tout d’abord du gouvernement et se poursuit par  l’audition du rapport présenté par le rapporteur de la commission concernée. Chaque groupe parlementaire dispose d’un temps de parole variable suivant la nature du texte et le calendrier du travail de chaque chambre. 

     Toutefois le bicaméralisme inégalitaire institué par la nouvelle constitution simplifie la procédure d’adoption du texte soumis à l’une des chambres en faisant l’économie de la fameuse commission paritaire prévue par l’ancien texte de 1996. En effet, si le texte est soumis à l’examen successif des deux chambres en vue de parvenir à l’adoption d’un texte identique, c’est à la chambre des représentants, selon l’article 84 (aliéna 2), que revient en denier ressort son adoption.   

Le débat législatif est sanctionné par un vote. Une loi est considérée comme adoptée lorsqu’elle est votée par la majorité des suffrages exprimés par les parlementaires présents. 

       La même procédure  est suivie en ce qui concerne les lois organiques qui ne sont toutefois soumises à la délibération par la chambre des représentants qu’à l’issue d’un délai de dix jours après leur dépôt. La seule nouveauté dans la constitution de 2011 sur ce point concerne  le vote. En effet, l’adoption des projets et propositions de  lois organiques soumis  à la chambre des représentants  ne peut se faire qu’à la majorité de ses membres présents. Quant aux projets et propositions de lois organiques soumis à délibération, ils ne sont, en revanche,  votés qu’à la majorité des membres  de la  chambre des conseillers.

II - Les nouvelles attributions en matière de contrôle

     On mettra  particulièrement l’accent, dans cette seconde partie, sur les nouveaux apports de  la nouvelle constitution en matière de contrôle.  Le Parlement exerce, en effet,  ses attributions en matière de contrôle par plusieurs procédés dont certains mettent en jeu la responsabilité du gouvernement et d’autres n’engagent pas sa responsabilité.

LES PROCEDES DE CONTROLE NE METTANT PAS EN JEU LA RESPONSABILITE DU GOUVERNEMENT

La nouvelle constitution a renforcé les procédés de contrôle habituels qu’exerce le Parlement sur le gouvernent à savoir les questions parlementaires, les commissions d’enquête  en attribuant quatre fonctions nouvelles au Parlement  que sont les questions de politique générale, les motions présentées par les citoyens en matière législative, les motions d’interpellation et l’évaluation des politiques publiques.

1— Les procédés ordinaires 

 Il s’agit des questions parlementaires, posées par les élus au gouvernement et les commissions d’enquête.

Les questions parlementaires 

     Elles peuvent être soit écrites ou orales. Les questions écrites sont des demandes de renseignements adressés par un parlementaire à un ministre qui dispose d’un délai fixé par le règlement intérieur des deux chambres pour y répondre  elles doivent remplir une condition de forme qui exige  qu’elles soient écrites clairement et adressées au président de la chambre concernée et une condition de fond à savoir qu’elles ne doivent contenir aucune imputation à l’égard des personnes concernée ou un intérêt  personnel. Elles sont publiées au Bulletin officiel. Les parlementaires au Maroc usent abondement de cette procédure pour se renseigner et de s’informer de l’activité administrative à l’intention des électeurs.

       Quant aux questions orales, contrairement aux précédentes, elles  sont prévues par la constitution. En effet, à  l’instar des constitutions révisées de 1992 et de 1996, la nouvelle constitution de 2011 a réservé une séance par semaine aux questions orales. Le gouvernement dispose de 20 jours pour y répondre  (art 100). Les parlementaires ont recours de plus en plus à ce procédé pour établir un dialogue  permanent avec le gouvernement. Ces questions orales, qui doivent respecter les deux conditions de l’unité du thème et  son caractère  global ou national, sont inscrites à l’ordre du jour de la séance hebdomadaire par le  bureau des deux chambres qui accorde toutefois la priorité aux questions d’actualité et urgentes.

Les commissions d’enquête 

         Elles sont constituées pour recueillir des informations sur des faits et des événements graves soit sur la gestion d’un service public, d’une entreprise ou établissement public. Déniées pendant longtemps par la chambre constitutionnelle auprès de la Cour suprême, elles ont été néanmoins créées par la force de nécessité absolue avant d’être finalement constitutionnalisées par la révision constitutionnelle de 1992. Les commissions d’enquête ont un caractère temporaire et leur mission prend fin par le dépôt de leur  rapport. Si une information judiciaire sur les mêmes faits est ouverte après la création d’une commission d’enquête, celle- ci doit mettre aussitôt fin à ses travaux. Une dizaine de commissions d’enquête ont été créées depuis qu’elles ont eu leur place dans la constitution.

       La nouvelle constitution a cependant atténué les conditions de leur création puisque l’initiative de celle ci revient au Roi et au tiers des membres de chaque chambre du Parlement (art. 67), alors que dans l’ancien texte la majorité a toujours été exigée pour leur création. Certes, nul doute que le gouvernement dispose des moyens pour peser sur ces commissions d’enquête et entraver leur action mais leur efficacité n’est pas négligeable  surtout si, d’une part, cet assouplissent apporté par la constitution quant à leur création est accompagné d’une réforme plus avancée de leur propre loi organique  et  si, d’autre part, les rapports déposés par ces commissions à la fin de leur mission ne trouvent pas leur sort  dans les tiroirs oubliés de l’administration du Parlement sans aucun effet, ni retentissement . Autant dire que l’amélioration de leur efficacité, voire de leur revalorisation auprès  de l’opinion publique  dépend essentiellement de leur aboutissement. 

Les nouveaux procédés 

En plus des questions parlementaires évoquées, la nouvelle constitution fait état de nouveaux procédés de contrôle sur le gouvernement. Il s’agit principalement des questions de politique générale, du bilan d’étape de l’action gouvernementale, des motions législatives et des motions d’interpellation et enfin l’évaluation des politiques publiques. 

Les questions de politique générale, le bilan et les motions législatives

       La constitution  mentionne une nouvelle forme de question, à savoir  les questions de politique générale (art.100 aliéna 3). En effet, une séance par mois est réservée à ce genre de questions dont les réponses sont  données par le chef du gouvernement lui-même dans un délai de 30 jours devant la chambre concernée.  Cette procédure tout en  renforçant  sans doute le contrôle du Parlement sur le gouvernement va établir un dialogue permanent entre les deux institutions en permettant aux parlementaires de saisir de prés l’action du gouvernement mais aussi  de mesurer ses imperfections. 

     Dans le même sillage, la constitution oblige le chef du gouvernement à présenter devant le Parlement, soit de sa propre initiative, soit à l’initiative  des membres de la chambre des représentants ou de la chambre des conseillers un bilan d’étape de l’action gouvernementale non suivi de vote. Cette pratique déjà connue dans les dernières législatures a été entérinée  par la nouvelle constitution. Elle  permettra  de faire le point de l’action du gouvernement  en  mesurant  le chemin parcouru et en évaluant ce qui reste à faire. En fait, cette démarche à la fois rétrospective et prospective est susceptible de donner plus de visibilité et de cohérence à l’action  gouvernementale et permettra   également de saisir ses hiatus et ses  dysfonctionnements. 

          Une autre innovation  importante introduite par la nouvelle constitution a consisté à donner aux citoyens la possibilité de formuler des propositions touchant le domaine de la loi, il s’agit du  droit   de présenter des motions en matière législative (art.14). Une loi organique déterminera les modalités d’exercice de ce nouveau droit accordé aux citoyens en matière législative.

b– Les motions d’interpellation et l’évaluation des politiques publiques.

        La nouvelle constitution dans son article 106 attribue à la chambre des conseillers le droit de voter des motions d’interpellation qui ont remplacé en fait l’ancienne technique originale de motion d’avertissement adoptée par l’ancien texte révisée de 1996. Toutefois, la procédure a été plus assouplie par le nouveau texte  puisque sa signature exige le 1/5 au minimum au lieu du tiers exigé dans la constitution révisée de 1996. Les autres aspects de cette procédure n’ont pas été modifiés. La motion d’interpellation  doit être  adoptée à la majorité absolue des membres de  la chambre des Conseillers et adressée au chef du gouvernement qui dispose d’un délai de six jours pour y répondre. Sa déclaration est suivie d’un débat sans vote. 

Par ailleurs, la constitution a apporté une nouveauté en attribuant au Parlement la fonction   d’évaluation des politiques publiques. En effet, l’article 101 (aliéna 2) a réservé une séance annuelle consacrée à la discussion et à l’évaluation des politiques publiques non suivies de vote. Cette  constitutionnalisation des actions majeures des pouvoirs publics  est d’autant plus importante  que l’évaluation des  politiques publiques tend à améliorer  le travail   des gouvernements en place et à réaliser un meilleur rendement ainsi qu’à trouver des solutions appropriées à des situations jugées problématiques. 

LES PROCEDES DE CONTROLE METTANT EN JEU LA RESPONSABILITE DU GOUVERNEMENT        

         L’initiative de mise en jeu de la responsabilité du gouvernement est soit d’origine gouvernementale soit d’origine parlementaire. Le nouveau texte de la constitution s’est efforcé , dans le dessein d’impulser plus de dynamisme à la vie parlementaire et politique marocaine, d’assouplir les  mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique en les libérant relativement  des mécanismes rigides  de la rationalisation qui a  rendu impossible toute tentative de remettre en cause les gouvernements en place

1-L’initiative d’origine gouvernementale

Elle prend deux formes : La question de confiance et la mise en cause de la responsabilité fondée sur une politique générale ou sur le vote d’un texte.

La  question de confiance 

Dés sa nomination par le Roi, le chef du gouvernement  doit exposer devant les deux chambres réunies  une déclaration de programme générale intéressant la politique économique, sociale, environnemental et extérieure du pays. Suivi d’un débat, cette déclaration de programme est sanctionnée d’un vote  à la majorité absolue des membres de la chambre des représentants. Ce qui réaffirme le caractère inégalitaire du bicaméralisme marocain et le lien direct entre gouvernement et chambre directement issue du suffrage universel direct  à l’instar des régimes de tradition parlementaire. Le corollaire conséquent de cette déclaration du programme  réside dans ce qu’on appelle  le « vote de confiance » ou le « vote d’investiture » qui constitue l’une des règles fondamentales des régimes parlementaires classiques. En effet,  l’article 88 (aliéna 3) de la nouvelle constitution met  l’accent,  pour la première fois, sur ces deux volets conjoints en disposant que : «Le gouvernement est investi, après avoir obtenu la confiance de la chambre des représentants …». A la différence des constitutions antérieures, la nouvelle constitution dans son article 88  parle sans ambages du mécanisme  de l’investiture. Le gouvernement  ne peut prendre ses fonctions qu’une fois il a obtenu la confiance du Parlement. Le refus de confiance entraine la démission collective du gouvernement. 

La mise en cause de la responsabilité fondée sur une politique générale ou sur le vote d’un texte

La déclaration de  politique générale qui peut porter sur un aspect particulier de l’action du gouvernement  est le deuxième moyen envisagé par l’article 103 de la nouvelle constitution, à l’instar des constitutions antérieures, pour mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement. Les conditions de procédure, de majorité et de conséquences sont identiques : La confiance ne peut être refusée devant la seule chambre des représentants qu’à la majorité de ses membres ; le vote ne peut intervenir que trois jours francs après que la question ait été posée, enfin, le refus de confiance entraine la démission collective du gouvernement. Toutefois, cette technique aura plus de portée dans le nouvel édifice constitutionnel qui accorde au chef du gouvernement et au gouvernement plus de liberté et plus d’autonomie vis-à-vis du chef de l’Etat. Elle permettra davantage au chef de gouvernement de mesurer le degré de cohésion de la majorité qui soutient son équipe ministérielle et d’apprécier à juste titre les réalisations et l’action future du gouvernement. 

Le gouvernement peut également selon le même article 103 engager sa responsabilité sur le vote d’un texte qui peut être soit  un projet soit une proposition. Il est soumis aux mêmes conditions que celles prévues pour la déclaration de politique générale. Le refus de la confiance entraine nécessairement  la démission collective du gouvernement. 

2-L’initiative d’origine parlementaire

 Il s’agit de la motion de censure. Nous allons étudier ce mécanisme en rapport avec le contexte marocain et celui des régimes parlementaires. 

Le mécanisme de la motion de censure

Les députés  souhaitant la démission du gouvernement peuvent prendre l’initiative de provoquer un scrutin  sur la confiance en déposant  une motion de censure. C’est l’arme classique à l’encontre du gouvernement dans les régimes parlementaires. La nouvelle constitution, à la différence de la constitution révisée de 1996 accorde dans son article105 exclusivement à la chambre des représentants la possibilité de déposer une motion de censure.

 Parce que  la motion de censure  est une décision grave, les constitutions marocaines dans le fil droit de la tradition du parlementarisme rationalisé en ont  toujours strictement réglementé aussi bien le dépôt que le vote de manière à éviter que le Parlement puisse faire tomber trop facilement le Gouvernement   et de manière  à assurer sa stabilité. 

       Néanmoins, force est de constater que la nouvelle constitution  s’est efforcée d’assouplir relativement la procédure de la motion de censure en nécessitant  sa signature d’au moins le cinquième (1/5) au lieu du quart ( 1/4 ) exigé  dans les textes constitutionnels de 1970, 1972, 1992 et 1996. Il est à signaler, toutefois,   que la première constitution de 1962 demeure à cet égard plus libérale dans la mesure où la motion de censure  n’est signée que par le dixième (1/10) au moins  des membres de la chambre des représentants. 

       La motion de censure ne peut entrainer la démission du gouvernement  qu’à  la suite de son approbation par un vote  pris à la majorité absolue des membres de la chambre des représentants après trois jours francs de son dépôt. Si la  motion de censure, qui doit être normalement motivée, est rejetée, les députés ne peuvent en proposer une nouvelle qu’après un délai d’une année pour éviter qu’elle ne soit utilisée qu’à des fins d’obstruction dans la procédure législative. Toutefois, la pratique au Maroc comme dans beaucoup de pays de tradition parlementaire confirme l’impossibilité d’obtenir le résultat de faire démissionner le gouvernement par ce procédé constitutionnel. 

La pratique de la motion de censure

     La procédure de la motion de censure s’est révélée inefficace. Aucune motion de censure n’a été adoptée au Maroc depuis la première expérience parlementaire avortée 1963-1965. Les deux seules motions de censure déposées contre le gouvernement Bahnini en 1965  et contre le gouvernement Laraki en 1990 n’ont pas abouti. Cette inefficacité de la motion de censure s’explique à notre sens par le fait que sa mise en œuvre a toujours été considérée, sous l’empire des différentes législatures, comme une action visant le Chef de l’Etat destinataire réel bien qu’elle soit dirigée contre le Premier ministre destinataire nominal. Avec le nouvel aménagement des pouvoirs par la nouvelle constitution dans le sens du renforcement des pouvoirs du chef du gouvernement et son autonomie par rapport au chef de L’Etat, la pratique de la motion de censure pourrait éventuellement connaitre une certaine  vivacité, bien que celle-ci soit tombée quasiment en désuétude et ne représente plus désormais qu’une survivance du régime  parlementaire. La motion de censure est devenue pour les partis d’opposition  beaucoup plus un moyen de susciter un débat politique sur des questions jugées importantes, d’alerter l’opinion publique sur tel ou tel aspect de la politique gouvernementale et de mobiliser  leurs troupes   en vue des échéances électorales  qu’ un véritable moyen destiné à  renverser les gouvernements  en place. Le renversement des gouvernements dans les régimes parlementaires modernes s’accomplit souvent par des moyens extra-parlementaires (La presse, la mobilisation de la rue, au sein du parti ou des partis au pouvoir).

Au terme de cette étude,  il apparait clairement que l’instance parlementaire a vu son prestige rehaussé et son blason redoré à plus d’un titre par la profonde réforme constitutionnelle. Son domaine a été élargi en profondeur et «  en épaisseur », son « pouvoir de contrôle » plus étoffé et plus  renforcé. Le Parlement sort en effet plus fort et mieux  armé  de l’examen des nouvelles dispositions constitutionnelles. Dans certains domaines comme celui de la loi, le Parlement a fait une véritable révolution  qui va certainement lui insuffler une nouvelle dynamique et modifier ses rapports avec le gouvernement. Le parlement siège plus longtemps, il travaille plus, il légifère aisément, il surveille, il vérifie, il s’informe, il contrôle, il délibère, il mène des investigations, il agit et réagit, il limite,  il interpelle l’action du gouvernement et peut la censurer. Certes, malgré la promotion du Parlement et la réhabilitation  de son rôle dans le paysage politique, certaines  carences et imperfections subsistent  encore   notamment au niveau de ses pouvoirs qui demeurent encore flous et mitigés  au cours de l’état d’exception,    au niveau de son rôle qui reste, somme tout, secondaire en temps de guerre  (absence de l’autorisation de guerre par le Parlement), au  niveau de son statut administratif et financier qui est toujours précaire  (l’autonomie administrative et financière de l’institution parlementaire)…etc. Mais toute constitution est  perfectible et susceptible d’évolution n’est ce pas là une règle fondamentale qui régit toutes les constitutions du monde ? 

         La profonde réforme de la constitution marocaine est loin d’être une simple réforme cosmétique destinée à jeter la poudre aux yeux, elle a apporté plusieurs innovations qualitatives substantielles et constitue un progrès appréciable dans la voie de modernisation du système politique, sa démocratisation et la construction progressive de l’Etat de droit.  Mais  les meilleures techniques parlementaires sont inopérantes si les hommes et les femmes qui les utilisent s’en servent mal ou s’en servent peu ou ne s’en servent pas  du tout. Les mécanismes constitutionnels, quel que soit le degré de leur perfectionnisme et de leur sophistication,  dépendent, en définitive, pour leur utilisation et pour leur efficacité  non seulement du contexte socio- politique et économique général et des mentalités des acteurs politiques     et leur capacité à se rénover et à rénover l’espace politique dans lequel ils agissent, mais aussi de  la manière dont l’élite parlementaire accédera l’hémicycle et l’animera au cours des prochaines années et de l’attitude conflictuelle ou collaboratrice du gouvernement vis-à-vis du Parlement notamment en matière législative.  L’image enfouie, depuis des décennies, dans le subconscient collectif marocain  d’un parlement apathique, docile et affaibli qui ne sert « qu’à parler» ne pourrait s’estomper progressivement que par la seule volonté des acteurs politiques. La réforme constitutionnelle est tributaire, en définitive, des institutions et des acteurs concernés.

          Le texte constitutionnel n’est qu’un texte, ce sont les Hommes, en dernière instance, qui lui donneront un contenu, une signification et peut être une ambition.

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