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Quelques éléments de réponses constitutionnelles et juridiques à Covid 19 dans les pays du Maghreb

A l’instar de plusieurs pays dans le monde, les pays du Maghreb ont été frappés invariablementet à des proportions différentes par le Corona Covid 19. C’est un état exceptionnel de haute gravité qui a quasiment  paralysé l’économie mondiale et a confiné plus de la moitié des habitants du globe.

A l’exception de la Lybie où l’on ne dispose pas de renseignements fiables à cause de la guerre civile qui ravage le pays, les autres pays du Maghreb notamment le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie ont réagide manière différente, à la propagation du virus en prenant des mesures appropriées sur le plan sanitaire, économique et social.Dans une situation aussi exceptionnelle, il est légitime que certains mécanismes relatifs au fonctionnement régulier des institutions politiques des Etats soient temporairement suspendus ou contournés afin de  favoriser une prise de décision et une gestion de crise aussi rapides et efficaces que possible.L'État dans les pays du Maghreb, comme ailleurs, a été confronté à un vrai  dilemme entre choisir la santé des citoyens comme priorité et maintenir les opportunités économiques pour que les citoyens puissent gagner leur vie.

Notre modeste article n’a pas la prétention d’analyser l’ensemble des mesures prises par les pays du Maghreb et encore moins d’évaluer leur impact par rapport à cette pandémie  (le confinement de la population, pour ne prendre que cet exemple, n’a pas été de la même rigueur ni respecté de la même manière sur l’ensemble du territoire maghrébin), elle se limite seulement à décrire et à analyser les mécanismes constitutionnels et juridiques déployés de manière souveraine par ces pays face à Covid 19. Nous tenterons également d’établirdes comparaisonsentre ces pays du Maghreb sachant bien que si ces pays sont bien  différents sur le plan politique, ils le sont moins  par rapport à leur arsenal juridique entrecroisé.

 

Partant de leurs réponses constitutionnelles et juridiques à Covid 19, nous proposons,  dans une première partie, de passer en revue les mesures prises en Tunisie, Algérie et en Mauritanie vu leur relative ressemblance et dans une seconde partie, nous traiterons le cas du Maroc vu la particularité des soubassements juridiques  de l «’état d’urgence sanitaire» qu’il a proclamé.

 

I-                   Les réponses constitutionnelles et juridiques à Covid 19 en Tunisie, Algérie et en Mauritanie

 

Ces réponses constitutionnelles et juridiques à Covid ont été différentes dans ces pays, bien qu’il y ait des ressemblances au niveau des mesures pratiques. Le droit vient en dernier secours pour entériner des pratiques et leur donner une légitimité.

A-En Tunisie,il convient d’observer que le dispositif constitutionnel et juridique mis en œuvre pour affronter la propagation du covid 19  s’est appuyésur «l’état d’exception» et«l’état d’urgence» (1) marquant ainsi une absence complète de la notion de « l’état d’urgence sanitaire ».

       Ainsi, le Président tunisien a eu recours à l’article 80 de la constitution 2014 relatif à l’état d’exception qui dispose qu’ : « En cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures qu’impose l’état d’exception, après consultation du Chef du Gouvernement, du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le Président de la Cour constitutionnelle. Il annonce ces mesures dans un message au peuple……. ». Sur cette base, le Président a imposépar décret le 18 mars 2020 un couvre-feu quotidien de 12 heures pour limiter la propagation du virus de la corona.  Par la suite, s’appuyant sur le même article 80 qui lui confère de larges pouvoirs dans les circonstances exceptionnels, il a pris  d’autres mesures (2)plus restrictives concernant les déplacements et les rassemblements en dehors des heures de couvre-feuavec des dérogations notamment pour les cas sanitaires urgents et les personnes travaillant la nuit et il a également  ordonné le déploiement de l'armée pour faire  respecterde telles  mesures.La décision de confinement général a été prise par le président après consultation du Premier ministre et du président du Parlement et après avoir informé le président de l'Autorité provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi.

 

 

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1)       L’état d’urgence en Tunisie a été décrété le 24 novembre 2015 suite à des actes du terrorisme, elle a été prorogée par le Président de la République  le 30 mai 2020 pour une durée de six mois.

2)       Le décret présidentiel n°2020-24 du 18 mars relatif au couvre feu sur l’ensemble du territoire et le décret 2020-28 du 22 mai 2020 portant fixation des besoins essentiels et des exigences nécessaires en vue d’assurer la continuité des services vitaux dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de mise en confinement.

 

 

Dans le même sens, le gouvernement a publié un décret pour mettre en œuvre la décision générale de confinement et clarifier les exigences pour assurer le fonctionnement des services vitaux. Le chef du gouvernement a  par ailleurs demandé au Parlement des pouvoirs exceptionnels en s’appuyant sur  le paragraphe 2 l’article 70  (3) de la constitution afin qu'il puisse "émettre des décrets-lois à caractère législatif". Cette autorisation du Parlement lui a été accordée le 4 avril 2020.

Toutes les mesures prises par le Président et par le  chef de gouvernement  ont pour but de protéger la santé publique de la population mais sans aller jusqu’à mettre en péril leurs droits fondamentaux.Cet  état exceptionnel limite les déplacements intérieurs et internationaux, effectue des contrôles sanitaires, ferme les écoles et les universités, les magasins et les lieux publics, confine les personnes à la maison, limitant ainsi de manière drastique la liberté individuelle de mouvement et de réunion.Par ailleurs, la constitution tunisienne dans son article  49 évoque cette  nécessaire  proportionnalité  entre ces exigences exceptionnelles qu’impose la pandémie et les restrictions aux droits et libertés des citoyens   en disposant : «  Sans porter atteinte à leur substance, la loi fixe les restrictions relatives aux droits et libertés garantis par la Constitution et à leur exercice. Ces restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d’autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications. Les instances juridictionnelles assurent la protection des droits et libertés contre toute atteinte ».

 

 

 

3-« L’Assemblée des représentants du peuple peut, au trois-cinquième de ses membres, habiliter par une loi, le Chef du Gouvernement, pour une période ne dépassant pas deux mois et, en vue d’un objectif déterminé, à prendre des décrets-lois, dans le domaine relevant de la loi. À l’expiration de cette période, ces décrets-lois sont soumis à l’approbation de l’Assemblée ».

 


B – En Algérie

 Ni l’état d’exception (4), ni l’état d’urgence ni l’état de siège(5) et encore moins «l ’état d’urgence sanitaire » n’ont été proclamé, aussi c’est  le Premier ministre qui s’est appuyé sur l’article 112 (6)de la constitution pour prendre plusieurs circulaires ou instructions administratives dans le but de  juguler la pandémie de Corona notamment le décret d’application 69/20  du 21 mars 2020 et le décret d’application 70/20 du 24 mars 2020 qui renferme des mesures complémentaires de prévention contre la propagation du virus Corona et le  décret d’application 72/20 du 28 mars 2020 relatif au  confinement  dans certaines wilayas, ainsi que le  décret d’application92/20 du 5 avril 2020  au prolongement des mesures de préventions contre le Covid 19…..(7), sachant bien que le pouvoir réglementaire du Premier ministre est lié au pouvoir législatif et non pas autonome.

         Il convient de souligner que selon les paragraphes 3 et 5 de l’article 112 de la constitution 2020, le Premier ministre « procède à l’application des lois   et règlements » et « signe les décrets exécutifs » à condition que ces actes soient conformes aux lois relatives aux libertés publiques (8).

 Par ailleurs, le Parlement a préféré suspendre ses travaux à cause de la pandémie.

4-   L’article 98 de la constitution algérienne de 2020 relatif à l’état d’exception dispose : « Lorsque le pays est menacé d'un péril imminent dans ses institutions, dans son indépendance ou dans son intégrité territoriale, le Président de la République décrète l'état d’exception… ».

5- La constitution algérienne de 2020 comme d’ailleurs les constitutions précédentes parle de l’état d’urgence   et   de  l’état de siège conjointement. Ainsi l’article 97 disposequ’:« En cas de nécessité impérieuse, le Haut Conseil de Sécurité réuni, le Président du Conseil de la Nation, le Président de l'Assemblée Populaire Nationale, le Premier ministre et le Président du Conseil constitutionnel consultés, le Président de la République décrète l'état d'urgence ou l'état de siège, pour une durée déterminée et prend toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la situation. La durée de l'état d'urgence ou de l'état de siège ne peut être prorogée qu'après approbation du Parlement siégeant en chambres réunies ».

6-  L’article 112 de la nouvelle constitution algérienne de 2020 dispose : «Outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d'autres dispositions de la Constitution, le Premier ministre exerce les attributions suivantes : 1 - il dirige, coordonne et contrôle l’action du Gouvernement ; 2)- il répartit les attributions entre les membres du Gouvernement, dans le respect des dispositions constitutionnelles ; 3)- il procède à l’application des lois et règlements ; 4)- il préside les réunions du Gouvernement ; 5)- il signe les décrets exécutifs ;6)- il nomme aux emplois civils de l’Etat qui ne relèvent pas du pouvoir de nomination du Président de la République ou ceux qui lui sont délégués par ce dernier ; 7)- il veille au bon fonctionnement de l’administration publique et des services publics. ».

7- Voir B.O n°15 du 21 mars 2020, B.O n°17 du 28 mars 2020, B.O n°19 du 2 avril 2020, B.O n°20 du 15 avril 2020.

 

 

 

 

3 – En Mauritanie :   Egalement ni l’état d’exception (8), ni l’étatd’urgence ni l’état  de siège(9) et encore moins « ’état d’urgence sanitaire » n’ont été proclamé.  Dans le cadre de sa riposte contre la propagation de la pandémie covid-19, L’assemblée nationale mauritanienne avait adopté en début Avril 2020  la loi d’habilitation autorisant le gouvernement, en application de l’article 60 de la Constitution (10), à prendre durant une période déterminée et par voies d’ordonnances, toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la pandémie du Covid-19 et  ses effets.   L'article 2 de la loi d'habilitation n°2020-004/PR du 22 avril 2020   dispose que la loi de ratification de l'ordonnance précitée doit être déposée au plus tard le 15 juillet 2020 devant l'Assemblée Nationale.

Le gouvernement, en application de la loi d’habilitation  a pris plusieurs mesures restrictives au mois de Mars 2020 et en application de l’article 33 qui dispose   :« Les décrets à caractères réglementaires sont contresignés, le cas échéant, par le Premier Ministre et les ministres chargés de leur exécution ». Ces mesures se rapportent, notamment, à la liberté d’aller et de venir, ou à la liberté d’expression :

§  Fermeture desfrontièresterrestres et aériennes;

§  Interdiction de circulationinterurbaine des personnes ;

§  Couvre-feu. Ces mesures s’appliquent à l’ensemble de la population à l’exception des équipes de santé et des camions de transport des marchandises ;

§  Interdiction de tout rassemblement y compris la prière du vendredi ;

§  Interdiction du commerce excepté la vente de denrées alimentaires en détail et dans les magasins ;

§  Fermeture des restaurants et cafés

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8- L’article 39  relatif à l’état d’exception dispose :  «  Lorsqu'un péril imminent menace les institutions de la République, la sécurité ou l'indépendance de la Nation ou l'intégrité de son territoire et que le fonctionnement régulier des pouvoirs constitutionnels est entravé, le Président de la République prend les mesures par ces circonstances après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil Constitutionnel…. »

9- L’article 71 de la constitution révisée de 2017 parle conjointement de l’état d’urgence  et  de  l’état de siège

10-  L’article  60 de la constitution révisée de 2017 dispose: « Après accord du Président de la République, le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces ordonnances sont prises en conseil des Ministres et requièrent l'approbation du Président de la République qui les signe. Elles entrent en vigueur dès leur publication, mais elles deviennent caduques si le projet de la loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation... ».

 

 

 

 

          Au début du mois de Mai, le Gouvernement mauritanien a annoncé l’assouplissement de ces mesures à travers :

§  L’autorisation de la prière du vendredi qui peut être organisée dans les mosquées sous condition du respect des mesures sanitaires imposées par les autorités (port du masque, lavage des mains et distance d’un mètre entre les personnes) ;

§  La réouverture des restaurants, réouverture des marchés et des commerces non-alimentaires sous réserve du respect des mesures sanitaires énoncées ci-dessus.

 II  -L’état d’ « urgence sanitaire » au Maroc

A la différence des autres pays du Maghreb, le Maroc a donné une assise légale à l’état d’ « urgence sanitaire »en s’appuyant sur  deux-décrets-lois publiés au -Bulletin Officiel n°6867 bis du 24 mars 2020.Aussi allons nous analyser la signification de cette notion étrangère au droit constitutionnel notamment la constitution marocaine de 2011 avant d’examiner ses soubassements constitutionnels et juridiques.

L’état d’urgence sanitaire n’est ni l’état d’exception, ni l’état de siège ni l’état d’urgence tout court. C’est une catégorie spéciale qui est mérite une attention particulière notamment au Maroc

 L’état d’urgence sanitaire (10) ne constitue pas à vrai dire une menace imminente contre le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles ou contre la stabilité du pays ; en revanche, elle constitue un danger réel pour la sécurité sanitaire des populations à la suite de la propagation virulente de l’épidémie corona 19. En outre, elle ne limite pas la jouissance des droits et libertés des individus dans leur intégralité.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et particulièrement l’intervention urgente et imminente pour éviter la propagation de la pandémie et assurer la protection de la vie des citoyens et la sécurité de leur personne, le gouvernement marocain  a adopté le 22 mars 2020 le projet de décret de loi 2.20.292 relatif à

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10-Il  convient de rappeler l’existence dans l’arsenal juridique marocain du décret royal n° 554-65 du 17 rabiaa I 1387 (26 juin 1967) portant loi relatif à certaines maladies contagieuses et prescrivant desmesures prophylactiquespropres à enrayer ces maladie prises parl’autorité administrative locale et à l’autorité médicale préfectorale ou provinciale par les membres des professions médicales qui ont constaté l’existence, « des cas de maladies quarantenaires, de maladies à caractère social, de maladies contagieuses ou épidémiques »,ou en cas de leur suspicion de l’existence d’un cas desdites maladies, d’en faire la déclaration immédiate à l’autorité médicale préfectorale ou provinciale, laquelle doit faire confirmer ce cas de maladie par un médecin.

 

 

l’établissement des mesures spéciales à l’état d’urgence sanitaire en lui permettant de prendre toutes les dispositions nécessaires par le biais  des normes juridiques adéquates tout en assurant la continuité des services publics vitaux. Un second décret, 2.20.293permet au Chef de gouvernement sur proposition de l’autorité gouvernementale chargée de l’Intérieur et de la Santé, de décréter l’état d’urgence sanitaire dans une ou plusieurs régions, préfectures, provinces ou communes, ou sur l’ensemble du territoire national  du 20 mars au 20 avril 2020 pouraffronter les dangers du covid 19 (11).

Le dit décret a annoncé les mesures prises par le gouvernement pour confiner la population tout en prescrivant des assouplissements nécessaires. Ces mesures interdisent également les rassemblements, les réunions et la fermeture des lieux commerciaux et  publics. Il est à noter que ce décret loi a été pris en considération  des articles 21 et 24 de la constitution 2011 et sur la base du règlement sanitaire international.

A-        L’adaptation constitutionnelle 

Bien que la notion de l’état d’urgence sanitaire soit absente dans la charte constitutionnelle de 2011, le décret loi n°2.20.292 pris par le gouvernement s’est efforcé de l’adapter aux dispositions des articles 21 et 24 de la constitution de 2011, au demeurant trop générales, pour prendre les mesures nécessaires pour affronter le Covid 19.En effet l’article 21 dispose que : « Toute personne a droit à la sécurité e sa personne et de ses proches, et à la protection de ses biens. Les pouvoirs publics assurent la sécurité des populations et du territoire national, dans le respect des libertés et des droits fondamentaux garantis à tous ». 

Il est à remarquer que la pandémie du Covid 19, selon la qualification de l’O.M.S, constitue un danger certain contre l’ensemble de l’humanité et menace par conséquent le droit à la vie qui constitue le premier des droits fondamentaux ainsi que le droit à la sécurité sanitaire ;  ce qui amène les autorités publiques à prendre de manière urgente les dispositions nécessaires selon les termes de l’article 21 pour assurer la sécurité de la population  « notamment la sécurité sanitaire ».Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 4 de l’article 24 de la constitution stipule qu’il est : « garanti pour tous, la liberté de circuler et de s’établir sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner, conformément à la loi ». 

11 - décrets ont été  publiés  le mardi 24 mars, au Bulletin officielnuméro 6867 bis.

 

La liberté de circuler constitue un droit sacré qui a été largement consacré par les conventions et les traités internationaux ainsi que par les constitutions nationales. Ainsi le second paragraphe du pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que :« Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien »,alors que l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.» et que : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. ».

Toutefois,l’examen de l’article 24 de la constitution nous apprend que si la liberté de circulation est assurée pour tous, elle doit, en revanche, s’exercer conformément à la loi. En d’autres termes, le législateur ordinaire, en l’occurrence le Parlement, peut en limiter la portée lorsque l’intérêt général l’exige. C’est le cas de la situation exceptionnelle de la propagation du Covid 19 avec les risques de contamination généralisée  de la population, le gouvernement  s’octroie ainsi un outil juridique pris en bonne et due forme après approbation du Parlement pour limiter la liberté de circulation.

Par ailleurs, il convient de  souligner  que le décret-loi n°2.20.292, portant sur les mesures spéciales relatives à l’état d’urgence sanitaire est en parfaite conformité avec l’article 81 de la Constitution qui stipule que : « le gouvernement peut prendre, dans l’intervalle des sessions, avec l’accord des commissions concernées des deux Chambres, des décrets-lois qui doivent être, au cours de la session ordinaire suivante du Parlement, soumis à ratification de celui-ci. Le projet de décret-loi est déposé sur le bureau de la Chambre des Représentants. Il est examiné successivement par les commissions concernées des deux Chambres en vue de parvenir à une décision commune dans un délai de six jours ».   En effet, le projet de décret-loi a été adopté à l’unanimité, en commission, par les deux chambres du Parlement, le lundi 23 mars, avant son adoption en plénière au cours de la prochaine session. 

B-       L’encadrement par les règlements sanitaires internationaux

Le Maroc étant membre de l’O.M.S, le gouvernement a été dans l’obligation d’appliquer le dahir 1.09.212 du 26 octobre 2009 en publiant le règlement sanitaire (2005) qui a été approuvé par l’Assemblée générale de l’O.M.S dans sa 58 ème session du 23 Mai 2005 et publié au Bulletin Officiel n°5784 du 5 novembre 2009.

L’article 15 du règlement sanitaire international dispose dans son premier paragraphe : « S’il a été établi, conformément à l’article 12, qu’il existe une urgence de santé publique de portée internationale, le Directeur général publie des recommandations temporaires conformément à la procédure énoncée à l’article 49 » ; de même, il stipule dans le second paragraphe : «Les recommandations temporaires peuvent concerner les mesures sanitaires à mettre en œuvre par l’Etat Partie où survient l’urgence de santé publique de portée internationale, ou par d’autres Etats Parties, en ce qui concerne les personnes, bagages, cargaisons, conteneurs, moyens de transport, marchandises et/ou colis postaux pour prévenir ou réduire la propagation internationale de maladies et éviter toute entrave inutile au trafic international ».

       Suite à l’article ci- mentionné, le directeur général de l’O.M.S aprésenté le 29 février ses recommandations provisoires où il a affirmé que conformément au Pacte de l’O.N.U et aux principes du droit international, les Etats membres ont le droit souverain de légiférer et d’appliquer leur législation nationale conformément à leur politique sanitaire .

Sur cette base, le gouvernement marocain a décrété la loi relative à l’état d’urgence sanitaire qui suppose une limitation partielle des libertés telle que la liberté d’aller et de venir et la liberté de rassemblement tout en prenant des mesures réglementaires et administratives  nonobstant contraires aux  dispositions législatifs et réglementaires en vigueur sous condition qu’elles visent à assurer la sécurité sanitaire des citoyens.

En guise de conclusion, on peut dire que les pays du Maghreb ont réagi différemment au Covid 19 qui a ouvert la porte à des arrangements juridiques : Etat d’exception, loi d’habilitation, pouvoir réglementaire et « état d’urgence sanitaire ». Toutefois,L'état d'urgence et les régimes similaires impliquent généralement un accroissement des pouvoirs des exécutifs (parfois aussi de la police et de l'armée) et une diminution des pouvoirs des parlements et du pouvoir judiciaire, avec un sérieux dérèglement des lignes de démarcation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ; ce qui crée généralement un grand déséquilibre dans le système politique quel que soit sa nature sans oublier une forte limitation des droits et libertés fondamentaux des citoyens.

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